Sortie au Musée des Arts décoratifs pour la classe de BTS 2eme année

Les Arts de la table au Musée des Arts décoratifs

Les Arts de la table au Musée des Arts décoratifs

Mardi dernier était un jour particulier pour les étudiants de deuxième année du BTS Comptabilité-Gestion du lycée Van Dongen, puisqu’ils ont eu la chance de visiter les collections permanentes et l’exposition temporaire consacrée à l’orfèvre Christofle au sein
du Musée des Arts décoratifs à Paris. L’occasion pour eux, guidés par une conférencière, de rendre concret et vivant le thème de la table inscrit au programme de leurs cours de Culture générale !


Mais qu’est-ce que les Arts de la table ? L’expression désigne les différents arts associés au repas :
l’ébénisterie pour les chaises, les dessertes, la table elle-même sur laquelle on dîne ; la verrerie pour les coupes dans lesquelles on boit le champagne ; la céramique pour les assiettes et les plats ; l’orfèvrerie pour tout ce qui a trait aux couverts. C’est sous l’impulsion de l’aristocratie que le rituel social du repas devient ainsi un véritable lieu d’expression artistique.

C’est un plat, d’abord, qui a attiré notre regard: une assiette chinoise en porcelaine de la dynastie des Qing (période YongZhen) représentant en son centre un dragon aussi majestueux qu’inquiétant dans un décor bleu cobalt sous couverte. Le « bleu de cobalt sous couverte » est une technique de décoration de la porcelaine très prisée en Asie. Un peu plus loin, un autre objet digne des plus belles tables se dresse devant nous, il s’agit de la « salière double femmes debout », de Jean-Baptiste-Claude Odiot datant de 1819. Deux statues de femmes se tournent le dos, chacune porteuse d’une petite vasque à sel. C’est le laiton qui donne à ce véritable bijou son apparence dorée si éclatante. Dans la même vitrine, une tasse à café du même créateur est posée à côté d’une tasse à sorbet au chiffre de l’Impératrice Joséphine. Comme le souligne souvent la conférencière, le repas aristocratique est le moment « brillant » entre tous. On y mange, certes, mais on y « brille » surtout. La reconstitution d’une salle à manger de l’époque classique où lustre et miroir devaient se renvoyer la lumière des bougies résume à elle seule ce goût de la mise en scène aristocratique qui s’exerçait à l’occasion des repas.

Une envie de voyage ? D’accord, mais pas sans ce magnifique « nécessaire de voyage » qui nous permettra de manger avec distinction en toute circonstance ! La valise est en cuir et contient bouteilles, assiettes, couverts, et même un cendrier et un jeu de cartes. Les
matériaux utilisés sont le laiton, le bois précieux, le marbre. Ces nécessaires étaient particulièrement populaires au 18ème et 19ème siècles, une époque où les voyages de longue durée nécessitaient une préparation minutieuse. Résolument, « manger » et « se montrer » ne font qu’un.


Charles Christofle l’a bien compris, qui fonde en 1842 l’entreprise d’orfèvrerie mondialement connue à laquelle le musée rend hommage jusqu’au 20 avril. Ce bijoutier de formation a l’idée géniale, en pleine révolution industrielle, d’introduire en France la dorure et l’argenture électrolytiques, technique qui lui permet de créer des objets en métal argenté et doré : couteaux, fourchettes, cuillers, mais aussi candélabres et torchères. Christofle a rapidement gagné une réputation prestigieuse, fournissant des services de table au roi Louis-Philippe et à l’empereur Napoléon III. C’est à la demande de ce dernier, soucieux de montrer au monde la puissance de la France lors de l’exposition universelle de 1855, que Christofle conçoit le fameux « surtout des cent couverts », dans la pure tradition de ces « chemins de table » qui ravissent l’aristocratie. Celui imaginé par l’orfèvre est monumental. Pensé pour une table de 30 mètres de long, le « surtout » comprend quinze statues en bronze. La pièce centrale, intitulée « La France distribuant des couronnes de gloire », est une sculpture représentant la France, une victoire ailée tenant deux couronnes de feuilles de laurier et de chêne. Elle est entourée des allégories de la Justice, la Concorde, la Force et la Religion. À droite, le char de la Guerre tiré par des chevaux fougueux, et à gauche, le char de la Paix tiré par des taureaux. Résolument, la table est politique. Elle doit dire la puissance d’un pays. Pour l’anecdote, sachez que le surtout sera récupéré dans les cendres du palais des Tuileries après sa mise à sac par les Communards en 1871.

Dans les années 1960, l’entreprise Christofle a équipé en couverts somptueux et autres seaux à champagne l’avion Concorde, le train Orient-Express, et le paquebot Normandie. L’un des restaurants du célèbre paquebot est reconstitué dans l’exposition. Sur une table à la nappe immaculée, les couverts, le bol à bouillon, la salière, et les dessous de bouteille proviennent tout droit des ateliers du fleuron du luxe « à la française ».
Une dernière vitrine éblouit par des objets aussi beaux que futiles : la pince à mains à asperge, la pince individuelle à asperge, le manche à côtelettes, la pince à marrons et fruits glacés, le tartineur à caviar, le pic à brochettes. Une recherche Internet nous indique que la pince à sucre Christofle coûte pas loin de 200 euros, et qu’il faut compter 1250 euros pour un set de 24 couverts pour 6 personnes dédié aux apéritifs dînatoires, cocktails et autres réceptions festives, couverts présentés dans un écrin de forme ovoïde avec blason. Les arts de la table recouvrent donc aussi un enjeu éminemment économique. En 2014, le secteur a produit 4,6 milliards d’euros de chiffres d’affaire.

A table, ne fait-on que manger ? Définitivement non. On fait démonstration de sa distinction, de son
rang social si l’on est un particulier, de sa puissance économique et politique si l’on est un pays. Il n’en demeure pas moins qu’un repas gastronomique, à considérer que la gastronomie soit l’art de la table par excellence, pourrait faire l’objet d’une prochaine sortie pédagogique !

Les étudiants de BTS CG 2